Les rongeurs constituent 40 % des mammifères et occupent tous les habitats de la planète. Ils ont une dentition caractérisée par l’absence de canines et des incisives hypsodontes (à croissance continue). Ils sont ainsi obligés de ronger, même sans avoir faim. Leur rôle dans l’écosystème terrestre consiste en la dégradation des déchets ou surplus, produits par la végétation et les autres êtres vivants.
Dans la nature, leur population est régulée par plusieurs prédateurs : rapaces, mustélidés, serpents, félidés, canidés… Dont la population augmente ou se réduit, elle aussi, corollairement à celle des rongeurs. En ville, sauf exceptions rarissimes (quelques faucons crécerelles et pèlerins qui nichent dans des beffrois ou clochers, et des busards aperçus parfois en milieu suburbain), l’unique prédateur des murinés est l’homme, anecdotiquement assisté des chats et chiens ratiers.
Quelques muridés sont commensaux, c'est-à-dire qu’ils se nourrissent à notre détriment en occasionnant peu de nuisances. Cette notion héritée des romains, qui ne connaissaient ni l'électricité, ni le gaz, ni les immenses silos de grains, est remise en question par les conséquences des dégâts dus aux rongeurs : pertes de nourriture, pannes électriques, incendies, accidents de transports, chaussées affaissées par des terriers...
La sous-famille des murinés, qui regroupe les seuls rats et souris, est la plus présente dans nos espaces de vie.
Dans la série d'articles qui suit, nous ferons connaissance avec les rongeurs croisés dans nos espaces de vie.
Tous les dessins de cette série sont de Jean-Luc Bessou.
Lérot (Eliomys quercinus)
Mulot (Apodemus sylvaticus)
Souris (Mus musculus)
Rats noirs (Rattus rattus - en haut - , Rattus alexandrinus - en bas - et Rattus frugivorus)
Performances :
La vie des rongeurs est conditionnée par la nourriture disponible, ou ressources trophiques, et les possibilités de nidification. Ils se reproduisent ainsi en plus grand nombre et plus souvent en période d’abondance et périclitent lors des épisodes de carence alimentaire. Ils prospèrent logiquement davantage dans un milieu quasiment dépourvu de prédateurs, comme la ville (rats), ou nos lieux de vie privés ou public (souris).
La fécondité des murinés est ainsi comprise entre 3 à 10 générations par an et des portées de 3 à 10 petits, chiffres qui peuvent exceptionnellement monter à 12 petits, 12 fois dans l’année. un mâle de souris, par exemple, peut féconder 20 femelles en chaleur en six heures.
Le métabolisme conditionnant les performances physiques, un rat vieux et malade a un métabolisme supérieur à celui d’un champion olympique de décathlon, ce qui explique des performances étonnantes pour sa taille (cf. précédent article). Et la souris est quatre fois plus active que le rat !
Un muriné consomme 10% de son poids par jour et métabolise jusqu’à 80% de ce qu’il a ingéré. La moyenne consommée par individu, entre les jeunes et les adultes, est de :
- 25 g/jour pour le surmulot ;
- 20 g/j pour le rat noir ;
- 2,5 g/j pour la souris et le mulot.
Comme pour tous les mammifères, la nature et la qualité de l’alimentation influent sur le nombre journalier de fèces (crottes), qui peut monter exceptionnellement à quarante par jour pour le surmulot.[1]
Généralement, les rats et souris défèquent une à deux fèces par heure d’éveil. Il s’agit d’un élément important pour le dératiseur, qui peut en dénombrant les crottes fraiches, procéder à une évaluation du nombre d’individus présents sur une zone infestée.
Attention : beaucoup de crottes, mais toutes sèches, indiquent qu’il y a bien eut des rongeurs mais qu’ils ne sont plus là ! Seules celles s’écrasant sous la lame d’un couteau, donc fraiches du jour, sont à considérer.
Leur gros appétit est le point faible des murinés et c’est donc en les attaquant sur le terrain de la nourriture que la dératisation a le plus de chances de réussite. C’est la raison d’être des appâts rodenticides empoisonnés, classés comme biocides par la règlementation européenne.
Bien qu’omnivores et capables de s’adapter à toute sortes de situations, la souris est plutôt granivore, les rats noirs plutôt granivores et frugivores et le surmulot plutôt carnivore (son régime alimentaire est très proche de celui du chat).
Ils font des provisions à l’approche de l’hiver et il est constaté des pics d’activé au printemps et à l’automne.
Les anticoagulants ou AVK (pour Anti Vitamine K) constituent la matière active des biocides autorisés. Il est considéré trois générations d’AVK en fonction de leur ancienneté (les premiers datent des années 50) et de leur virulence (les dernières molécules - difethialone, brodifacoum, flocoumafen - peuvent tuer un rat en une ou deux prises). Le poison s’accumule dans le foie et provoque des hémorragies internes qui affaiblissent l’animal jusqu’à sa mort. Il ne peut donc établir un lien cognitif entre son affaiblissement progressif et son alimentation.
L’appétence insuffisante des appâts du commerce (par rapport à l’alimentation saine) et les mauvaises pratiques de bien des dératiseurs professionnels ont fini par provoquer l’apparition de souches de rats résistants aux anticoagulants. Les rats qui ne consomment que partiellement ou occasionnellement des appâts empoisonnés n’absorbent pas de doses létales d’AVK et s’immunisent progressivement sur deux modèles :
- Une résistance métabolique, à l’exemple des hommes gros fumeurs et/ou alcooliques ;
- Une résistance génétique par mutation du gène vkorC1.
Des prélèvement effectués dans l’Europe entière indiquent que ces phénomènes sont répandus là où l’on dératise en continu depuis des décennies.
Toutefois, les rats mutants sont rachitiques (200/250 g au lieu de 300/350g), peu vigoureux et moins féconds que les autres rats. Il ne s’agit donc pas de « super rats » comme une certaine presse l’annonce.
Hygiène
Comme tous les mammifères, les rats et souris se toilettent souvent, en utilisant leur langue et leur grande souplesse pour atteindre presque toutes les parties de leur corps. Le toilettage mutuel complète ces pratiques d’hygiène.
Ils séparent aussi leurs lieux de vie de leurs lieux d’aisance. Les fèces se trouvent donc sur la zone d’activité (souris), le long des voies de cheminements et devant les terriers ou nids, mais quasiment pas à l’intérieur de ceux-ci (rats).
Les fèces permettent l’identification du muriné et donnent des indications sur sa population : des diamètre différents (anus) indiquent autant de générations.
[1] Certains auteurs avancent 20.000 crottes/an pour le surmulot. Un rapide calcul montre que cela représente une fèces toutes les 16 minutes en période d’éveil. Ce qui n’est pas constaté avec les rats d’élevage ou sauvages en bonne santé.
Attention de ne pas confondre !
Fèce de gecko
Elle dépend des conditions de vie et dépasse rarement 12 mois à l’état sauvage. Les rats de laboratoire vivent jusqu’à 3 ans.